Jeune femme utilisant un ordinateur portable pour une expérience VR
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Article / 5 min. de lecture - mise en ligne le 15/06/2023

Retail média, le futur du marketing digital ?

Comment se porte le retail média et quelles sont ses trajectoires de croissance ? Réponse avec Aurelia Bettati, directrice associée chez McKinsey.

A l'occasion de la publication par McKinsey d'un nouveau rapport intitulé « The growing importance of Retail Media Networks » on fait le point avec Aurelia Bettati experte du Retail Media. Comment se porte et comment vont évoluer ces nouveaux canaux de communication de plus en plus plébiscités ? Décryptage.

Comment se porte le retail média ?

L'étude montre une activité très forte pour le retail média. Pour mémoire, le retail media recouvre l’ensemble des dispositifs de communication dont disposent les distributeurs et les commerçants pour promouvoir leurs produits (bannières publicitaires, placements de produits sur les sites, en magasins, marketing, base et syndication). En Europe, on estime que le marché représente près de 10 milliards d'euros (41 milliards de dollars en 2022 aux Etats-Unis, en incluant Amazon). Il devrait atteindre près de 21 milliards d'euros d'ici 2025. Des données confirmées par notre étude puisque plus de 80 % des annonceurs considèrent qu’il s’agit d’un canal de communication très important et 71 % d'entre eux déclarent que la performance en retail média est supérieure aux autres moyens de communication.

Pourquoi ce canal est-il plus performant ?

Il permet de toucher des audiences plus ciblées et plus qualifiées, d’avoir un meilleur retour sur investissement, ainsi qu’une transparence accrue pour l’annonceur. En effet, le retail média permet de mieux faire le lien entre une publicité, une mise en avant ou un placement de produit et les ventes réalisées, notamment en ligne.

Peut-on dire qu'il y a un lien entre l'arrêt des cookies et l'essor du retail média ?

La fin des cookies est un problème pour les annonceurs car elle est synonyme d’une diminution des capacités de ciblage et d’une réduction de la performance des campagnes publicitaires. Tout en étant très vigilant quant aux problématiques relatives à la RGPD, le retail média permet - via l'audience des distributeurs et leur programme de fidélité – de qualifier des audiences à l’aune d’un grand nombre de critères. Il est ainsi possible de constituer des sous segmentations d'audience et de garantir une qualification plus fine des réponses, notamment pour réaliser des campagnes d’e-mails personnalisées.

L’intérêt des distributeurs à développer le retail média s’explique par l’importante pression qui s’exerce sur leurs marges. Ils recherchent en effet de nouveaux relais de croissance pour rentabiliser les investissements importants réalisés en e-commerce. La monétisation de leur asset (plateforme de commerce, audience et programme de fidélité) offre ainsi l'opportunité de créer un nouveau business attractif et rentable. Nous estimons en effet que les marges du retail media se situent entre 60 % à 70 %.

Qualification, sous-segmentation, asset... Les datas sont vraiment au cœur au cœur du retail média

Tout à fait. Et la qualité des données vaut autant que le volume collecté. Les grands distributeurs ont accès à des parts de marché très significatives de la population d'un pays donné. Ce qui se traduit par une capacité à créer une vision omnicanale, dite « 360 » du profil client. Le retail media ne se cantonne pas aux comportements d'achat basiques mais permet d’avoir une vision globale : panier, comportements, géomarketing, géolocalisation… Toutes ces datas permettent d'avoir une connaissance client et des persona à un niveau presque individuel. Cela permet de s’adresser aux clients de manière particulièrement personnalisée et donc pertinente.

Le retail média est-il accessible à tous les acteurs (B2B, B2C) ?

Les premiers acteurs à s’être positionnés sur ce secteur étaient principalement issus de la grande distribution (hypermarchés, supermarchés…), ceux-ci ayant longtemps été à la pointe en termes de développement de sites e-commerce et disposant d’une large base clients. D'autres secteurs se sont ensuite lancés : l’électronique grand public, le bricolage, les hôteliers, les agences de voyages en ligne… Ce qui est essentiel, c'est d'avoir à la fois une audience qualifiée, un site web et un programme de fidélité. Avec ces 3 éléments, les acteurs disposent des canaux de distribution, du volume et surtout de la connaissance client idoine qui permet de développer l'activité.

Par ailleurs, nous relevons une attractivité plus forte sur le B2C, qui semble être plus avancée dans son développement. On constate également une disparité entre pays. Les États-Unis sont plus matures que l'Europe. Et au sein même de l'Europe, la France est, a priori, un peu moins en avance que l'Allemagne par exemple. Dans notre étude, 77 % des annonceurs allemands ont déclaré qu'ils comptaient investir davantage dans le retail média. En France, ils sont 47 %.

Comment expliquer ce « retard » de la France ?

L'un des principaux freins pour les acteurs concerne la sécurité et le partage des données. C’est un point qui est assez peu remonté au niveau européen (13 %). Les autres freins concernent la performance (capacité à avoir une performance supérieure au prix) et la transparence (capacité à avoir des outils de reporting et de management qui permettent de retracer le lien direct entre l’annonce et la réalisation effective des achats). Les distributeurs doivent continuer à progresser, via des systèmes de yield management et de pricing mais aussi en proposant des outils de suivi et de pilotage précis et transparents pour démontrer le retour sur investissement.

Par ailleurs, s’il existe aujourd’hui des solutions technologiques prêtes à l’emploi, il reste de nombreux défis internes à relever pour les distributeurs. Le premier concerne le recrutement d'équipes commerciales dédiées, et de data scientists capables de faire évoluer la connaissance client, ou encore les algorithmes, pour accroître les performances. Il est également important que l'organisation mise en place soit considérée comme un nouveau business à part entière et qu’il soit motivé par un alignement des indicateurs de performance. L'autre défi concerne la capacité de l'industrie à s'organiser, s'industrialiser et se standardiser. Aux Etats Unis, les acteurs ont créé des alliances pour standardiser le marché. Une étape nécessaire pour faciliter la commercialisation du retail média.

Certains secteurs investissent plus que d'autres. Est-ce une question de mindset, de culture ?

Si nous constatons un léger décalage (la beauté est plus mature que les produits d'entretien ou le food par exemple), l'étude a révélé que l'ensemble des secteurs continuera à investir. Les tendances retail représentent 14 % des budgets marketing. Le retail media tend à devenir un incontournable. Toutefois la question à se poser est : quelle part de budget réellement incrémental cela représente-t-il ? Près de la moitié des responsables interrogés a affirmé que leur budget retail média constituait un budget supplémentaire. Il y a donc bien un marché qui se crée. Côté réallocation des budgets, nous constatons qu'ils sont initialement issus du trade marketing, de la télévision et du marketing digital.

L'accroissement du marché va-t-il mécaniquement avoir un impact, à la baisse, sur les prix ?

Nous relevons dans l’étude que les annonceurs sont prêts à payer un premium de +10 % pour une meilleure performance et un reporting détaillé. Bien qu’il soit impossible de faire des généralités sur l'évolution des prix, tant que le retour sur investissement sera là, les prix se maintiendront. Et le ROI est bien présent puisque 71% des personnes interrogées admettent que la performance de ce canal est meilleure. L’enjeu est toutefois de parvenir à faire le lien entre le reporting et la performance, par exemple via une plateforme dédiée, pour s'assurer que le média garde son attractivité.

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