Personne tournant des écrous

Article / 4 min. de lecture - mise en ligne le 16/03/2023

Lancer son entreprise en autodidacte 

Comment monter son réseau, boucler une levée de fonds, gérer ses équipes, obtenir des partenaires… Lorsque l’on ne sort pas d’une grande école ? Réponses avec Xavier Delahaye, CEO de MyJugaad

Quel a été votre parcours avant de monter MyJugaad ?

J’ai commencé mon parcours par un BEP vente et comptabilité. Dans la foulée de ce diplôme, j’ai commencé à travailler à l’usine, sans grande conviction. Dès que j’ai pu, j’ai donc cherché un emploi saisonnier, j’en ai trouvé un en montagne, en tant que plongeur dans un restaurant haut de gamme de Megève. En rentrant, j’ai rejoint un ami qui lançait un concept de paintball à 30 kilomètres de Rennes, un emploi qui exigeait de moi des compétences déjà variées car j’étais animateur la journée et barman le soir.

En 2005, j’ai eu l’occasion de reprendre l’affaire, c’était ma première expérience en tant que dirigeant d’entreprise. Je n’avais rien à perdre, j’ai emprunté 20 000 euros à la banque pour développer le concept et je me suis lancé ! En 2011, j’ai revendu l’affaire et je suis retourné travailler en tant que salarié. Un an plus tard, un autre ami qui dirigeait une entreprise de déménagement, avec une équipe de deux personnes, m’a proposé de reprendre la partie commerciale, c’est-à-dire la gestion des devis et du marketing, j’ai tout de suite accepté ! En 5 ans, nous sommes passés de 3 à 45 personnes et nous dépassions les 2 millions de chiffre d’affaires.

Quel déclic vous a donné envie d’entreprendre ?

Pendant mes 5 ans dans le monde du déménagement j’ai dû faire face à de nombreuses situations assez complexes (personnes isolées, en difficultés sociales ou financières…), j’ai identifié des besoins non pourvus et des publics en difficulté à qui l’on ne fournissait pas de solution. C’est sans doute ce qui a été déclencheur : répondre à de réelles problématiques sociétales et avoir un impact sur la vie des personnes concernées.

En 2018 j’ai décidé de lancer ma propre entreprise sociale et solidaire, afin de répondre à ces problématiques de déménagement et d’aider les personnes fragiles (personnes isolées, personnes âgées ou porteuses de handicap) dans leur mobilité résidentielle. Cela a été plutôt instinctif car, au fil des années, j’avais commencé à créer mon propre réseau.

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui veut se lancer dans l’entrepreneuriat en autodidacte ?

Premier conseil : Fonce et crois en ton projet ! Si beaucoup de personnes pensent que les diplômes forgent l’expérience et l’expertise, je suis persuadé que ces notions s’acquièrent en mettant les mains dans le cambouis. Ils sont d’ailleurs nombreux à avoir tout construit à partir d’une idée, sans diplôme et sans passe-droit : Steve Jobs, Xavier Niel, Jean-Claude Decaux…

Deuxième conseil : Il faut savoir toucher à tout. Sans diplôme, il est essentiel de faire les choses par soi-même, d’être en contact direct avec ses clients afin de connaître parfaitement son domaine d’activité. C’est ce qui vous donne la légitimité pour avancer, embaucher et déléguer efficacement par la suite. En ayant joué tous les rôles au sein de l’entreprise, on acquiert une vision globale qui permet d’organiser au mieux son activité et de savoir quelle mission confier à quel collaborateur par la suite.

Quels sont les avantages et les inconvénients d’être autodidacte ?

Je dirais que l’avantage le plus concret est d’être plus dans l’action que dans la réflexion. Au moment de prendre les décisions, l’instinct prend souvent le dessus. Si cela tient sans doute à mon tempérament fonceur, cela peut aussi s’expliquer de manière plus pragmatique : sans background scolaire ou technique, la prise de risques est toujours plus importante. Je suis obligé d’avancer vite sur certains sujets car je n’ai pas de temps à perdre en benchmarks, en études pré-lancement, je teste mes idées et en les testant, je les corrige et les améliore. En résumé, on pourrait dire que le dicton : « le temps c’est de l’argent », s’applique deux fois plus à l’entrepreneur autodidacte !

L’inconvénient en tant qu’autodidacte, est cette pression qui nous amène souvent à devoir prouver plus que les autres que nos projets sont viables et ont un avenir. Dans beaucoup de domaines, les diplômes priment sur certaines compétences, il m’a fallu travailler deux fois plus pour convaincre partenaires ou investisseurs. Mais finalement, ce qui pourrait paraître comme une faiblesse peut rapidement devenir une force. Lorsque je mène un projet à bien, je ne le dois à personne d’autre qu’à moi-même et ainsi je renforce toujours plus ma légitimité.

On parle souvent, du syndrome de l’imposteur ou complexe de l’autodidacte, en avez-vous déjà souffert ?

J’ai débuté jeune dans l’entrepreneuriat, je crois en mes projets et en mes ambitions. Je pars du principe que si j’échoue, ce n’est pas vraiment un échec. J’avance, je me renouvelle et je fais autre chose. Ce n’est pas toujours facile mais j’essaie de rester positif en toutes circonstances.

Certaines s’appuient sur leur réseau d’Alumnis afin de lancer leur entreprise, comment avez-vous créé votre propre réseau ?

La tchatche ! Je vais directement au contact des personnes, qu’ils soient de potentiels futurs partenaires ou investisseurs. Sans s’appuyer directement sur des réseaux d’anciens élèves ou d’entreprises, il est possible de créer son propre réseau via des concours entrepreneuriaux par exemple, afin de remporter des accompagnements. J’ai donc participé aux concours Antropia Essec en 2019, VivaLab et French Tech en 2020. Grâce à cela, j’ai pu présenter mon projet MyJugaad et développer mon réseau de manière considérable. Autre élément à ne pas négliger : LinkedIn ! Pour ma casquette de commercial, c’est un outil devenu incontournable. Pour un autodidacte, il ne faut surtout pas négliger ce type de réseau, il vaut de l’or.

Est-ce que votre côté autodidacte vous a influencé sur votre façon de gérer vos équipes ?

Je pense que, comme tout autre chef d’entreprise, mon parcours a forcément construit le manager et le dirigeant que je suis devenu. Par exemple, je pense que je responsabilise beaucoup mes équipes, étant affairé à plusieurs missions, j’ai besoin de m’appuyer sur des personnes de confiance pour avancer, mes collaborateurs ont donc rapidement de vrais rôles à jouer au sein de la structure, qu’il s’agisse de stagiaires ou de CDI !

En ce qui concerne le recrutement, il est important pour moi de travailler avec des personnes expertes dans leurs domaines respectifs, qui connaissent leur rôle afin de faire évoluer l’entreprise tous ensemble. Par la suite, je mets l’accent sur la montée en compétences en leur proposant régulièrement des formations s’ils en ressentent le besoin.

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