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Article / 4 min. de lecture - mise en ligne le 04/04/2023

Comment le « biais du survivant » peut vous induire en erreur ?

Une prise de décision efficace nécessite un examen détaillé des données. Pourtant, bien souvent, nous ne prenons pas en compte l'ensemble des éléments. Un phénomène baptisé le « biais du survivant ». Explications.

Le désir d'apprendre du succès est un instinct naturel, mais attention au retour de bâton si vous ne prenez pas en compte le « Biais du survivant » (aussi appelé « Biais de survie » ou encore « Biais des survivants »).

Prendre en compte les résultats positifs et ignorer les échecs

Le « Biais du survivant » est une forme de biais de sélection consistant à surévaluer les chances de succès d'une initiative en concentrant l'attention sur les sujets ayant réussi mais qui ne sont que des exceptions statistiques (des « survivants ») plutôt que des cas représentatifs. En clair, il se produit lorsque nous sélectionnons uniquement ceux qui ont surpassé les autres, (personnes, entreprises, machines...) et que nous en tirons des conclusions basées sur leurs attributs, sans examiner plus largement l'ensemble des données, y compris celles avec caractéristiques similaires qui n'ont pas fonctionné. Le « biais du survivant » est donc un biais de sélection qui prend la forme d'un raccourci cognitif.

En d'autres termes, il consiste à brosser un tableau plus rose de la réalité en biaisant les résultats moyens vers le haut en se concentrant sur ceux qui ont réussi (les « survivants ») plutôt que sur le groupe dans son ensemble (y compris les « non-survivants »).

Le « Biais du survivant » est un raccourci sournois qui a tendance à se glisser dans les analyses sans être remarqué. Pour une raison assez simple : nous avons tendance à ne remarquer ou à ne prendre en compte que la partie émergée de l'iceberg, à savoir ce qui est visible. Ce faisant nous omettons une partie importante du tableau : la partie invisible. Résultats : Des données incomplètes qui ont pour effet de fausser les résultats et induire en erreur.

D'où vient le terme « Biais du survivant » ?

Le terme a été inventé pour la première fois par Abraham Wald, un célèbre mathématicien connu pour avoir étudié les avions de la Seconde Guerre mondiale. En plein conflit, la Royal Air Force demanda au mathématicien d'analyser les impacts de balles se trouvant sur les avions de retour du combat.

Objectif ?

Limiter les pertes de bombardiers en protégeant les zones des aéronefs considérées comme vulnérables.

Lorsque le groupe de recherche de Wald a tenté de déterminer comment les avions de guerre pourraient être mieux protégés, l'approche initiale a consisté à évaluer quelles parties des avions revenus de missions (les survivants) avaient subi le plus de dommages afin d'en renforcer le blindage. Mais, après réflexion, Abraham Wald inclut dans sa réflexion que les avions les plus endommagés étaient ceux qui n'étaient pas revenus de la bataille.

Son raisonnement ?

Les impacts de balles sur les avions « survivants » (d'où l'expression) indiquaient en réalité les points forts : les zones sur lesquelles un avion pouvait être touché et continuer malgré tout à voler. En l'occurrence, celles qui précisément n'avaient pas besoin de renforcement. (Élémentaire mon cher Watson !) Le blindage devait donc être posé aux endroits sans impact.

© Wikipédia - Le biais du survivant

Corrélation versus causalité

Le « Biais du survivant » joue également sur notre tendance à confondre corrélation et causalité. En bref, à être influencé par des preuves anecdotiques. Nous voyons des exemples réussis avec des attributs particuliers (corrélation) et supposons, bien souvent à tort, que ces attributs sont à l'origine du succès, sans prendre en compte les autres cas avec des caractéristiques similaires qui ont échoué. Le « Biais du survivant » survient ainsi lorsque nous nous basons sur un échantillon inexact pour en tirer des conclusions. Car bien que la corrélation et la causalité puissent toutes deux exister, la corrélation n'implique pas obligatoirement la causalité.

Prenons un exemple : La réussite d'un certain nombre de milliardaires, Steve Jobs ou Mark Zuckerberg, par exemple. Leur caractéristique commune ? Ne jamais avoir fréquenté ou terminé l'université. On se souvient du discours de Steve Jobs qualifiant sa décision d'abandonner le Reed College comme « l'une des meilleures décisions que j'ai jamais prises ». Il n'en allait pas plus pour convaincre de nombreux étudiants, persuadés d'être des « génies en devenir », d'arrêter leurs études. Un phénomène relayé par le New York Times en 2012, qui évoquait alors une « vague de fond » dans un article intitulé : « Dite non au collège » (illustrer de manière explicite et ironique) .

© New-York Times - Emily Flake

Il est facile de comprendre l'attrait d'histoires comme celles de Steve Jobs ou Mark Zuckerberg. Le mythe du self made man, qui en dépit de tous les obstacles et défiant toutes les probabilités se hisse au sommet, en fait rêver plus d'un ! Mais quid des autres ?

Ces deux exemples permettent-ils d'en déduire que les études ne sont qu'anecdotiques dans la réussite professionnelle ? Se concentrer uniquement sur ces cas de réussite conduit à omettre les nombreux autres cas qui se sont soldés par un échec et qui ne sont pas sous les feux des projecteurs pour témoigner.

En prenant en compte l'ensemble des données une image différente émerge. Ainsi, selon une étude anglaise de 2018, qui analysait les données globales, le taux d'emploi des diplômés au Royaume-Uni était de 88 % pour 72 % chez les non-diplômés. Le salaire annuel médian d'un diplômé était quant à lui de 34 000 £ (43 000 $) et de 24 000 £ (30 000 $) pour un non-diplômé. Regarder l'ensemble du tableau sans se focaliser uniquement sur les « survivants » montre « qu'en moyenne » l'obtention d'un diplôme augmente le taux d'employabilité et le niveau de rémunération.

Comment éviter le « Biais du survivant » ?

Comme on peut le constater, se baser uniquement sur ceux qui ont « déjoué les pronostics » est un pari risqué. Être conscient de ce biais cognitif et comprendre comment il peut impacter nos jugements et nos prises de décision est donc essentiel pour s'assurer une analyse critique et une prise de décision objective. En clair : Voir l'invisible, entendre l'inaudible.

Demandez-vous ce que vous ne voyez pas

Pour chaque prise de décision commencez par considérer ce qui manque. Réfléchissez aux données qui n'ont pas « survécu ». Rechercher ces points de données manquants, vous permettra d'avoir une vision globale exhaustive nécessaire à une meilleure compréhension.

Vérifiez vos sources de données

En vous assurant que vos sources de données sont conçues pour garantir l'exactitude et n'omettent pas les observations critiques qui modifieraient les résultats d'analyse ou la prise de décision, vous serez également en capacité de réduire le risque de « Biais du survivant ».

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