Homme dans un ascenseur avec un carton dans les bras
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Article / 4 min. de lecture - mise en ligne le 16/06/2023

« Quick Quitting », notre travail est-il devenu une expérience à consommer ?

« Job zappeurs » ou « job hoppers »... Que traduit la tendance « Quick Quitting » où les salariés ont la bougeotte ?

Aller voir si l'herbe ne serait pas plus verte ailleurs au bout d'un an, une tendance qui touche de plus en plus d'employés (surtout les plus jeunes) pour répondre à leurs aspirations personnelles et professionnelles. Un phénomène particulièrement marqué aux États-Unis où comme l'indique une étude du Economic Graph le « taux d’ancienneté de courte durée » a bondi en 2022. De quoi le « Quick Quitting » est-il le symptôme ? Principalement de la crainte du bore out. S’ennuyer au travail et en souffrir, une préoccupation pour 92 % des salariés, d'après une enquête réalisée en 2022 par Audencia et Jobs that make sense. Une vision décomplexée de la gestion de carrière à laquelle les entreprises doivent s'adapter. Décryptage avec Charly Gaillard, CEO de Beager, acteur du recrutement.

Le quick quitting est-il une réponse à « l'extra mile » ?

Rappelons tout d'abord ce que sont « l'extra-mile » et le « quick quitting ». L'extra mile est le fait pour un collaborateur d'aller au-delà de ce qui est attendu de lui dans sa fiche de poste. Le quick quitting est un phénomène qui consiste pour les collaborateurs à passer très rapidement (parfois seulement 1 an) d'une entreprise à une autre, par ennui ou nécessité de renouveau. On voit également émerger le quiet quitting, qui au contraire de l'extra mile, correspond à une démission silencieuse de la part des collaborateurs et qui coûte très cher aux entreprises qui ne l'ont pas bien identifié.

L'extra mile et le quick quitting sont donc deux tendances différentes qui montrent toute la diversité du rapport actuel au travail, qui va d'un engagement faible avec une nécessité de « consommer » le travail de la part de certains collaborateurs, jusqu'à une très forte implication et un engagement hors pair de la part d'autres. S'ils sont donc bien distincts, ces deux comportements trouvent en revanche leurs racines en une cause unique : une quête de sens très marquée, quel que soit l'âge ou l'expérience de la personne concernée. Il existe un nouveau rapport au travail axé autour de l’impact de sa mission.

Le quick quitting marque-t-il la fin du quick management ?

Le quick management, c'est-à-dire le pilotage court termiste avec une vision davantage tournée vers la performance court terme que l'humain long terme n'a effectivement plus le vent en poupe. De plus en plus, les entreprises doivent adapter leur culture d'entreprise et leurs méthodes de management pour permettre à tous de se développer.

Pour limiter le quick quitting de ses collaborateurs, il est donc évidemment primordial d'éviter le quick management dans l'organisation ! La mise en place d'évolutions de nos modes de travail et la prise en compte des attentes nouvelles des talents doivent y contribuer. D'autres tendances, telles que le freelancing, participent elles aussi à la pénurie de candidat(e)s. L'attractivité des entreprises n'a donc jamais été aussi importante pour continuer à attirer les meilleurs talents et ainsi rester compétitive.

Cette vague de désengagement ne fait-elle pas simplement écho au désengagement des entreprises vis-à-vis de leurs salariés ? (manque de reconnaissance, faible salaire, peu d'autonomie..)

La vague de désengagement actuelle est la conséquence d'une période où les entreprises ont parfois oublié le rôle social et sociétal primordial qui est le leur. Les talents se sont parfois sentis à l'étroit, dans un rapport de force qui ne leur était pas favorable. Avec le retour d'un marché extrêmement dynamique post COVID et l'émergence de nouvelles aspirations des candidats, les entreprises n'ont pas eu d'autres choix que d'évoluer dans leurs pratiques pour rester attractives et offrir toute la flexibilité dont ont désormais besoin les talents.

Le marché du travail est lui aussi piloté par la loi de l'offre et de la demande. Talents et entreprises s'y « affrontent » donc dans un rapport de force sans cesse déséquilibré, tantôt en faveur de l'un, tantôt en faveur de l'autre. La vague de désengagement croissant des salariés semble liée à un changement de dynamique de marché en faveur des candidats... mais jusqu'à quand ? Les nombreux plans de licenciements récents incitent à la prudence et de nombreuses entreprises remettent en cause des avantages accordés autrefois, notamment concernant le télétravail.

Le rapport au travail a changé et est désormais vu comme un moyen et non plus comme une fin. Les talents souhaitent s’engager pour un projet bien défini avec une équipe compatible avec leur personnalité et valeurs. Ils se désengagent de plus en plus d’entreprises qui vont à l’encontre de leurs valeurs profondes.

Comment les entreprises peuvent-elles motiver durablement leurs salariés ? Au-delà de la rémunération faut-il miser sur le « care » pour limiter le « quit » ?

Toutes les études récentes montrent que la rémunération ne suffit plus. La question de l'impact et donc du sens est aujourd'hui primordiale. Quel est mon niveau de contribution ? Au service de quoi puis-je investir mon action ? C'est d'ailleurs cela que nous avons voulu incarner avec la mission de Beager, qui est de transformer la passion de chacun en succès des projets. L'existence d'une culture d’entreprise solide, bienveillante et bien déployée est désormais un pré-requis. La mise en place d'innovations telles que la transparence des salaires, la semaine de 4 jours ou encore les mécanismes de partage de la valeur peuvent également contribuer à fidéliser les collaborateurs.

Il est grand temps de réinventer la relation talents-entreprises pour plus de collaboration et de transparence, guidé par une volonté mutuelle de progresser ensemble. L'entreprise à autant besoin de ses talents que les talents d'entreprises prêtes à leur faire confiance.

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