Article / 3 min. de lecture - mise en ligne le 02/12/2022
Le BNPL, anachronisme ou réponse obsolète aux enjeux contemporains ?
La récente descente aux enfers de Klarna a mis le doigt sur les faiblesses d’un modèle économique pourtant plébiscité par beaucoup. Véritable figure de proue du « buy now pay later », Klarna n’est finalement que l’arbre qui cache la forêt...
Affirm a également vu sa capitalisation boursière chuter drastiquement, idem pour les australiennes Zip ou encore Sezzle. En cause, selon Sebastian Siemiatkowski, directeur général de Klarna : « une guerre tragique et inutile, un changement dans l'opinion des consommateurs, une forte hausse de l'inflation, un marché boursier très volatil et une probable récession ».
Certes, les récentes hausses des taux d’intérêt, conjuguées à de fortes tensions géopolitiques et à une pression régulatoire intensifiée ont accéléré la chute de ce modèle économique, sorte de crédit 2.0 non régulé. Mais il serait trop simple d’imputer un tel déclin à cette seule série de crises. Le problème est structurel et réside dans la nature incomplète de sa réponse à un besoin plus large. Tribune de Michael Mansard, Directeur de la stratégie chez Zuora. Membre du think tank Subscribed Institute.
La roue tourne pour les acteurs du BNPL
À l’heure actuelle, le marché du Buy Now Pay Later reste un Far West, sans régulation et sans véritable impératif de clarté vis-à-vis du consommateur. Voilà maintenant plus d’un an que la Commission européenne envisage de créer une meilleure régulation du Buy Now Pay Later. Un remaniement de sa directive sur le crédit à la consommation qui vise à assimiler le BNPL à un crédit à la consommation classique. Mais qui reste encore à l’état de projet. En attendant que ce mouvement se concrétise, les entreprises restent sans garantie de la fiabilité du paiement effectué, la solvabilité des consommateurs n’étant pas un élément bloquant.
Au Royaume-Uni ou encore aux Etats-Unis où le BNPL est quasiment monnaie courante, 40 % des Américains y ayant recours selon le Bureau de protection financière du consommateur, les régulateurs s’inquiètent également de l’absence de cadre. Klarna avait d’ailleurs anticipé la chose, en proposant une option sobrement intitulée « Buy Now ». Une fonctionnalité à l’encontre des premiers engagements de Klarna qui équivaut finalement à réaliser un paiement classique, sans contraction de crédit. Mais alors si le BNPL perd ses deux dernières initiales, quels bénéfices présente-t-il, à la fois pour les entreprises et pour les consommateurs ?
À l’heure de l’inflation, n’ayons pas peur de l’engagement
Inflation, hausse des taux d’intérêt, possible récession future… Le contexte économique actuel augmente drastiquement la frilosité des consommateurs et met à risque le modèle du BNPL. Pour preuve, selon une récente étude de Younited et OpinionWay, 8 Français sur 10 estiment que l’inflation est vouée à durer et envisagent adapter leurs modes de consommation en conséquence. Et si le BNPL a longtemps été plébiscité, c’est qu’il offre en apparence des avantages à toutes les parties. D’un côté, plus de flexibilité pour le consommateur et une plus grande capacité d’achat. De l’autre, une diminution du nombre d’abandons de panier pour les commerçants. Pour autant, alors que la chaîne de consommation se voit bouleversée de part en part, le BNPL est-il vraiment la réponse aux enjeux contemporains des consommateurs ?
De grands acteurs de la distribution, comme Decathlon, le prônent haut et fort. L’heure est désormais à la consommation raisonnée, à l’usage plutôt qu’à la possession. Les enseignes créent donc des offres donnant la possibilité au consommateur d’accéder à un ensemble de produits tout en abolissant l’élément « possession » de l’équation. Non seulement cette alternative offre une flexibilité inédite au consommateur, mais elle permet en plus de répondre aux nouveaux objectifs « net zero » des entreprises, en maximisant la durée de vie des produits, ainsi que leur durabilité.
Si ces objectifs sont motivés par des enjeux régulatoires, ils découlent également d’une demande accrue des consommateurs, en quête d’une consommation plus durable. Une telle exigence ne peut être que antagonique avec le bouleversement du lien marque-client imposé par le BNPL. En effet, en privilégiant le D2C (direct-to-consumer), les acteurs du BNPL comme Klarna ou Affirm désintermédient la relation client, au détriment des entreprises premières concernées qui arrivent désormais en bout de chaîne dans la relation client.
Il n’est certes pas l’heure de sonner le glas du BNPL. Néanmoins, dans un contexte économique de plus en plus incertain, et alors que les préoccupations des clients deviennent multiples, le BNPL propose une solution unique, finalement anachronique et en contradiction avec l’ère du temps. Les entreprises doivent se tourner vers des modèles économiques complémentaires et plus durables. Des modèles qui associent trois critères cruciaux pour le consommateur : consommation vertueuse, accessibilité financière et flexibilité.