Article / 4 min. de lecture - mise en ligne le 25/05/2023
L'alternative aux cookies ? Le ciblage basé sur les personas
Si les annonceurs ont conscience de la fin imminente des cookies, une récente étude mettait en avant leurs difficultés à s'en passer. Décryptage.
Selon une enquête mondiale Ogury (publicité personnifiée) de nombreux annonceurs et agences ignorent les alternatives disponibles aux cookies. Si 60 % des dirigeants reconnaissent que le suivi en ligne des utilisateurs est en phase de devenir obsolète, 40 % avouent leur méconnaissance des technologies de ciblage ne recourant pas aux identifiants publicitaires. Explications avec Geoffroy Martin, CEO chez Ogury, et ancien directeur général de la division « retail media » de Criteo.
Quel est le point de vue du consommateur sur la disparition des cookies tiers ?
Sur ce sujet, la CNIL vient de publier une étude qui illustre, avec des chiffres, un phénomène que l’on ne peut désormais plus ignorer : les utilisateurs rejettent de plus en plus le tracking publicitaire. En juin 2022, 39 % des internautes refusaient d’être suivis, alors que seulement 20 % l'acceptaient systématiquement. Au-delà de ce refus, la CNIL constate également une diminution de l’intensité du traçage publicitaire sur les sites web français. La part des sites déposant plus de 6 cookies tiers est passée de 24 % à 12 % entre 2021 et 2022. Cette étude démontre également que les utilisateurs savent désormais très bien ce qu’est un cookie, ce qui n’était pas le cas il y a encore quelques années.
Nous avons in fine des utilisateurs qui considèrent de plus en plus le suivi publicitaire comme inacceptable et qui, conscients de l’utilisation faite par les annonceurs des cookies, le perçoivent de manière de plus en plus négative. Je vois un véritable paradoxe dans de tels résultats si je les confronte au point de vue des marques et des agences média sur ce même sujet…
Et quel est le point de vue des annonceurs et agences média sur la disparition des cookies tiers ?
Pour le savoir, nous avons récemment interrogé 1000 dirigeants de grandes marques et d'agences média. Notre étude révèle clairement leur manque de préparation face à la disparition des cookies. La plupart des annonceurs interrogés (60 %) reconnaissent que le suivi en ligne des utilisateurs est en train de devenir obsolète, et 56 % d'entre eux pensent que les cookies et les identifiants représentent une menace pour la vie privée des utilisateurs. Pourtant, 41 % des personnes interrogées admettent ne connaître que modérément, voire pas du tout, les méthodes de ciblage autres que celles qui reposent sur les identifiants tels que les cookies.
Cela démontre bien que marques et les agences média ont besoin d’aide pour s’y retrouver parmi les alternatives aux cookies. Et pour beaucoup d’entre elles, ces alternatives s'avèrent très opaques, justement car elles ne sont pas encore la norme de notre secteur.
Quels sont justement les différents types d’entreprises d’AdTech, et comment sont-elles impactées par la disparition des cookies ?
Il faut considérer le marché actuel comme étant à un tournant radical, directement lié à l'émergence de la privacy et à la disparition des cookies tiers. Dans un premier temps, on trouve bien entendu les « walled gardens » et les désormais incontournables retailers. Grâce à leur accès à de la first-party data, ces acteurs sont peu inquiétés par ce qui se joue aujourd’hui. Mais, une deuxième catégorie rassemble les acteurs dit « historiques » de l’AdTech, qui continuent à délivrer des campagnes en utilisant des identifiants publicitaires, dont les cookies tiers. En soi, l‘exploitation des identifiants est toujours possible : Google n’a pas encore coupé le robinet des cookies tiers sur Chrome, les IDs sont toujours accessibles sur Android même s’ils disparaissent peu à peu d’iOS... Mais nous savons tous que dans un futur plus ou moins proche cette exploitation deviendra obsolète, comme le démontre notre étude. S’ils ne s’adaptent pas, ces acteurs vont rencontrer de très grandes difficultés, c’est inéluctable. Enfin, arrive une troisième catégorie d’acteurs de l’open internet qui ont compris qu’une nouvelle génération de technologies, véritablement respectueuse de la vie privée des utilisateurs et réellement indépendante des identifiants, doit émerger sans attendre. Ogury est le fer de lance de cette catégorie d’acteurs.
Quels sont les progrès réalisés en matière de ciblage dans le domaine de l'AdTech ?
Je considère justement l'avènement de la privacy - et la remise en question des pratiques et technologies qu’elle entraîne - comme un progrès. Si certains acteurs ont tremblé avec l’arrivée du RGPD et son application stricte par la CNIL, nous avons anticipé cette nouvelle réalité réglementaire mais aussi éthique, et l’avons vue comme une opportunité. Car à la fin, l’utilisateur aura toujours le dernier mot, et il a parlé. Le RGPD n’a fait que mettre en place un cadre pour forcer les acteurs du marché à se réguler et redonner du contrôle aux utilisateurs. Une fois de plus, la vague de la privacy est inarrêtable, et si elle est subie par certains, nous la voyons comme la garante d’un avenir plus sain, tant pour les consommateurs que pour les acteurs de l’AdTech.
La bonne nouvelle c’est qu’il est aujourd’hui possible de faire du ciblage pertinent et à grande échelle, sans recourir à de la collecte de données personnelles. C’est sur cette base que nous avons développé notre technologie.
Comment peut-on faire du profilage sans effectuer de pistage ?
Notre conviction est que la publicité personnifiée est la seule alternative durable à la publicité personnalisée basée sur les identifiants et cookies. Car quand on y réfléchit bien, la publicité ultra-personnalisée est une dérive de l’avènement d’internet. Un annonceur se moque de cibler un individu en particulier, il veut toucher 100 000 ou 200 000 personnes ayant les mêmes caractéristiques. C’est ce que nous lui apportons grâce à une technologie de ciblage basée sur des personas et non sur l'identité d’un utilisateur. Cette technologie s’appuie sur des modèles prédictifs basés sur nos données historiques qui sont constamment mises à jour et une compréhension pointue des appétences des internautes, ce qui a permis de définir des millions d’assets et de personas. En tant qu’individu, nous avons tous différents comportements et centres d'intérêt, et faisons donc tous partie de plusieurs dizaines de personas. Nous montrons la bonne publicité au bon persona, à partir d’une liste de diffusion préqualifiée pour un persona, constamment enrichie et mise à jour à travers des questionnaires auprès de larges panels d’utilisateurs. Ensuite, le ciblage est affiné grâce à des données de livraison et de performance des campagnes en cours. La publicité personnifiée apparaît comme la seule solution réellement pérenne pour cibler de manière précise et respectueuse de la vie privée un grand nombre de consommateurs potentiels.