Chaussures sur une route

Article / 3 min. de lecture - mise en ligne le 03/07/2023

Entrepreneuriat : « On apprend pas à marcher sans tomber »

On a pour habitude de pointer la focale sur les entrepreneurs à « succès ». Mais qu'est-ce que le succès ? Avoir une idée et aller jusqu'au bout quitte à bifurquer pour lui permettre d'exister ? C'est le cas de Berenger Cadoret. Interview.

Bérenger Cadoret est le fondateur de la startup Stratosfair (réseau de datacenter Green français). Si faute de levée de fonds nécessaire la startup a déposé le bilan le projet perdure. Retour sur le parcours de Bérenger XX et sur ce qu'il nous dit de l'entrepreneuriat.

Votre projet avait de la valeur puisqu’il a été repris par Grolleau. Comment expliquer que vous ayez dû déposer le bilan ?

Le dépôt de bilan n’est pas lié à l’idée ou sa valeur, mais bien au modèle de financement choisi et aux investisseurs qui, de par une situation économique compliquée se sont rétractés. Le choix d’un modèle de financement en equity par crowdfunding est aussi en adéquation avec les valeurs véhiculées de son entreprise. Dans notre cas, malgré une idée et un concept novateurs avec des valeurs, nous n’avons pas réussi à trouver un fonds d’investissement qui partageait nos objectifs et missions : d’une part le numérique responsable et d’autre part la sobriété énergétique.

Qu’est-ce qui vous a manqué ? Quels ont été les freins pour lever des fonds ?

Je dirais qu’il nous a manqué une commercialisation plus importante, c’est-à-dire plus de contrat signé ; quand bien même 1 mois seulement après avoir mis en opération notre premier datacenter, nous avions déjà signé notre seconde construction. Il s’agit de construction et donc d’un modèle avec un délai d’acquisition client assez long. Il nous a manqué également de trouver les bons interlocuteurs financiers en mesure de soutenir un projet industriel d’envergure. Cela peut parfois être un frein car des questions se posent économiquement, notamment par rapport au coût de la matière première…

Est-il difficile de s’imposer face aux mastodontes en place ?

Oui, c’est très difficile mais pas impossible. L’effort d’innovation doit être bien plus important face aux mastodontes et ce, avec bien moins de ressources. Cela peut s’avérer parfois très compliqué, très long et surtout fatigant. Malheureusement on est parfois très vite comparé aux géants ce qui est normal pour challenger son segment, marché… Mais il ne faut pas oublier qu’au départ nous sommes une startup, donc une petite équipe avec peu de financement qui, pour scaler doit prouver et démontrer 100 fois plus que n’importe quel type de PME ou industriel. Et ce, sans parler de la stratégie très agressive en matière de tarification de ces géants.

Comment êtes-vous associé au projet « Stratosfair by Grolleau » ? Restez-vous propriétaire de la techno / marque ? Avez-vous votre mot à dire sur les évolutions du projet ?

La société Stratosfair a déposé le bilan le 7 Avril 2023. Grolleau m’a embauché en tant que « Chief Product Officer » de la marque « Stratosfair by Grolleau », datacenter collectivités et entreprises. La marque Stratosfair a été déposée en mon nom propre et n’appartenait pas à la SAS STRATOSFAIR. J’ai donc conservé la marque à titre personnel, et Grolleau en est désormais le propriétaire. Les évolutions du projet vont être importantes. Désormais avec un industriel de 200 personnes et 14 000m2 de production, forcément on va plus vite. Nous allons pouvoir démontrer nos propositions de valeurs jusqu’au bout de la chaîne.

Dépôt de bilan, recrutement par Grolleau… Voyez-vous cela comme un échec où une continuité de votre projet ? Qu’est-ce que cette expérience nous raconte sur l’entrepreneuriat en France ?

Si l’on veut être pragmatique, le dépôt de bilan et son la fin de la startup Stratosfair en tant que tel est un échec. L’important est de savoir ce que l’on en fait. Je suis convaincu, en tant qu’entrepreneur, que l’échec est une étape qui permet de se construire, de rebondir et qu’il constitue un apprentissage pour être encore meilleur et plus résilient. Si l’on ne tire pas d’enseignement d’un échec, effectivement cela reste un échec. La force d’un entrepreneur est de voir toujours le verre à moitié plein, il faut se protéger, car une vie entrepreneuriale c’est une expérience faite de montagnes russes que ce soit sur le plan émotionnel que sur le développement de son entreprise. La France a toujours eu une mauvaise culture de l’échec contrairement à nos amis anglo-saxons. C’est également un défi que de tenter de démocratiser le sujet, et d’éduquer sur le fait qu’on n’apprend pas à marcher sans tomber, tout simplement.

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