Article / 4 min. de lecture - mise en ligne le 26/07/2023
Comment éviter les pièges de l’IA dans le recrutement ?
« Intelligence Artificielle » (IA) : deux mots qui provoquent le buzz pour une technologie aux capacités presque magiques. Grâce à elle, effectuer des tâches professionnelles qui nécessitaient auparavant une réflexion et une action humaine fastidieuse devient un jeu d’enfant.
Le recrutement est un domaine où l'Intelligence Artificielle a déjà commencé à être utilisée, mais plusieurs pièges sont à éviter. Les responsables des ressources humaines (RH) doivent en être conscients avant de l’utiliser. Tribune d'Alvaro Dexeus, Directeur Général de l’Europe du Sud de Pleo.
L’IA, une aide précieuse au recrutement, à condition d’être utilisée de la bonne manière
Le recrutement est un domaine où l'IA peut être utilisée pour rationaliser les processus du département RH. La plupart des recruteurs reconnaissent l'utilité d'une intelligence artificielle qui examine des centaines de CV, ou d'un chatbot qui prend des notes pendant les entretiens. L'utilisation de l'IA pour trier les candidatures a déjà été présentée comme une fonctionnalité intéressante. Cette technologie est inoffensive dans le cadre de tâches simples et routinières comme celles susmentionnées. En revanche, l’IA peut poser problème si on lui demande de tirer des conclusions, par exemple sur la qualification des candidats à un poste. L’évaluation du CV peut se faire à condition que le recruteur ait intégré dans le système d’IA les paramètres corrects qui garantissent l'impartialité.
Ce que beaucoup oublient, c'est que l'IA a été créée par les humains et non par des ordinateurs. Cette technologie est utilisée par des machines, mais elles ne peuvent exécuter correctement les tâches que si le modèle de comportement de l’IA est neutre. En tant qu’humains, nous devons veiller à introduire des données impartiales afin de programmer correctement les modèles. Il est facile d’oublier cette première étape, et l’utilisation de l’IA devient alors un handicap au lieu de nous faire gagner du temps.
En finir avec les données biaisées
Les données biaisées constituent le plus grand défi des départements RH quant à l’utilisation de l'IA. Nous avons tous des préjugés, conscients ou non. Avec l'intelligence artificielle, tout est basé sur des données antérieures - souvent issues de systèmes RH existants. Cela signifie que l'algorithme est faillible car l'ordinateur se base sur les informations qu'il reçoit. Ainsi, les algorithmes peuvent perpétuer les idées reçues existantes dans le processus de recrutement, telles que celles liées au genre, à l’origine ou à l'âge.
Il est donc crucial de faire attention aux données intégrées, car l'apprentissage automatique (ou machine learning) excelle dans la recherche de schémas. De ce fait, si des candidats ont déjà été rejetés en raison de leur genre, de leur âge, de leurs croyances, de leur sexualité ou de leur couleur de peau, les algorithmes basés sur des modèles peuvent interpréter ces éléments comme disqualifiant et éliminer ces candidatures. L'IA entretient les préjugés, mais les dissimule derrière une façade d'impartialité, car « c’est la machine fait la recommandation ou prend la décision, et les machines sont essentiellement ‘logiques’ ». Qu'elles soient intentionnelles ou non, les idées reçues sont automatisées, exacerbées et cimentées dans cette approche.
La méthode pour prévenir les discriminations consiste à fournir à la technologie des informations sur la justification des décisions prises. L'apprentissage automatique est un domaine en plein essor dans lequel l'IA prend la réponse et tente d'en comprendre la raison, ce qui permet de vérifier des hypothèses et d'assurer une prise de décision juste. Toutefois, pour utiliser cette méthode, il faut bien comprendre le fonctionnement de l'apprentissage automatique et la manière dont les décisions ont été prises.
Gérer les limites de la technologie grâce à la vigilance humaine
Le processus de recrutement d'aujourd'hui ne ressemble pas à celui d'il y a 20 ans. Auparavant, les employeurs prévoyaient une adaptation culturelle pour que les recrues s'intègrent dans la culture de l’entreprise existante et ressemblent le plus possible à leurs collègues. Aujourd'hui, les employeurs cherchent davantage à savoir comment les nouveaux collaborateurs peuvent contribuer à développer la culture et le mode de pensée de l'entreprise, pour ne pas se retrouver avec des salariés qui pensent et agissent de la même manière. Il est donc important de programmer l’outil d’intelligence artificielle qui met en avant des profils différents et remettant en question le statu quo. L'apprentissage automatique est lui-même un concept à remettre régulièrement en question et une technologie à mettre constamment à jour afin d'obtenir différents modèles d'outils nécessaires pour obtenir un résultat hétérogène.
Toujours apporter un point de vue humain constitue le plus important à garder en tête lors de l'utilisation de l'IA dans le secteur du recrutement. Toute nouvelle technologie doit être utilisée de manière intelligente, intentionnelle et stratégique. Ne vous laissez pas prendre par le battage médiatique et n'utilisez pas quelque chose simplement parce que c'est la tendance du moment. Il vaut mieux prendre une approche traditionnelle plutôt que d'essayer d'utiliser une nouvelle technologie que l'on ne comprend pas bien, et de créer par inadvertance des inégalités en essayant d’être disruptif.
Alors que l'IA est considérée comme une formule magique, nombreux sont ceux qui ne comprennent pas vraiment comment elle fonctionne et qui, par conséquent, font preuve d'un optimisme excessif ou insuffisant quant aux possibilités qui s'offrent à eux. Plus de professionnels doivent avoir une compréhension des réalités et participer aux conversations pour que nous puissions aller de l'avant. Pour profiter de la puissance de l'IA, il faut connaître les limites de cette technologie et se renseigner sur les paramètres de son outil - avant, pendant et après utilisation. Ce n’est pas parce qu’une technologie est à la mode et que tout le monde l’utilise qu’il faut se lancer dans la précipitation. Il faut d’abord la comprendre et en saisir les enjeux.