Article / 3 min. de lecture - mise en ligne le 15/12/2021
En quoi la prise de parole d’un dirigeant exerce-t-elle une influence sur les salariés ?
Contrairement aux pays anglo-saxons, notre culture latine et notre système éducatif ont toujours mis l’accent sur l’importance de l’écrit et nous maîtrisons peu les mécanismes de l’oral. Pourtant, le sondage Whistcom-OpinionWay révèle que pour 75% des salariés un message du dirigeant a plus de poids à l’oral qu’à l’écrit. Décryptage avec Charlie Clarck, dirigeant et fondateur de Whistcom.
En quoi la prise de parole d’un dirigeant exerce-t-elle une influence sur les salariés ?
Trois quarts des salariés préfèrent un message oral à un message écrit de la part de leur dirigeant. C'est naturel. L'écrit est très rationnel, mais un peu froid. Par contre, le mode de communication naturel et spontané, c'est évidemment l'oral par lequel peuvent passer beaucoup d'émotions ! C'est par l'oral qu'on peut gonfler la motivation. Regardez les films de guerre : le chef parle aux hommes avant la bataille, il ne leur envoie pas un courriel ! C'est dans la parole que l'humain se manifeste.
Comment expliquez-vous que la parole de dirigeants français soient si peu inspirante / motivante pour les salariés ?
Il y a déjà un certain nombre de dirigeants qui ne sont pas à l'aise à l'oral (20% gesticulent ou expriment des signes de stress disent les salariés). Mais le problème fondamental n'est pas là, car la majorité sont à l'aise à l'oral. Le problème c'est que les dirigeants ne parlent pas à l'auditoire de ce qui l'intéresse : les salariés ! Leur parole est trop verticale, ou trop autocentrée.
Pour être inspirant, il faut déplacer le centre d'intérêt : la star, ce n'est pas le dirigeant mais les salariés. En fait, le maître-mot d'une parole inspirante est l'empathie : rejoindre l'autre dans sa réalité, le lui faire sentir et l'accompagner là où il est !
Si le dirigeant entre dans une logique d'empathie, manifestant vraiment le souci de son auditoire, il peut capter l'attention et donc motiver à fond. C'est avec ce changement que la parole peut devenir vraiment inspirante, et c'est ce qu'attendent les salariés. Pas seulement bien parler, mais surtout parler pour les autres !
Comment expliquez-vous que les dirigeants français maitrisent-ils si peu cet exercice ?
Dans La culture française et dans notre système éducatif, c'est majoritairement l'écrit qui est étudié et valorisé. Combien d'heures avons-nous passé à faire des devoirs sur table et combien d'heures avons-nous passé à travailler l'oral ? Le résultat est sans appel ! Du coup, beaucoup pensent que l'oral, c'est dire à haute-voix ce qu'on aurait dit à l'écrit. C'est une grave erreur. L'oral, ce n'est pas du tout la même logique que l'écrit !
Comment expliquez-vous le décalage entre la réalité de la prise de parole des dirigeants et les attentes des salariés ?
Le décalage repose sur a un piège courant : penser qu'on est bon à l'oral parce qu'on est à l'aise. Et c'est le cas de beaucoup de dirigeants qui sont à l'aise à l'oral et pensent donc qu'ils sont bons ! Hélas, cela provoque souvent des interventions autocentrées et verticales qui agacent et ennuient ! (46% des salariés pensent que ces prises de parole sont chronophages et ne leur apprennent rien !).
Mais les salariés attendent une parole qui les rejoignent dans leur réalité, les comprennent et les reboostent ! Ils attendent une parole empathique ! Ils veulent de l'horizontal, de l'échange et ils reçoivent du vertical !
Quels conseils donneriez-vous aux dirigeants ?
Un seul : formez-vous !
Deux chiffres sont significatifs :
- 82% des salariés pensent que les capacités de communication d'un dirigeant sont aussi importantes que ses capacités techniques
- 85% pensent que les dirigeants devraient se former à la prise de parole.
Il y a une véritable attente des salariés. Il y a des techniques pour être bon sur la forme (utilisation du sourire, du regard, des gestes) et pour être percutant sur le fond (la logique empathique).
Comment expliquez-vous l’écart entre les pays anglo-saxons et la France dans la facilité de prise de parole ?
Il s'agit d'un biais culturel. En France, comme on s'est concentré sur l'écrit, on pense que l'oral ne peut pas vraiment s'apprendre. On est bon ou on n'est pas bon, c'est tout !
Dans les pays anglo-saxons, on a compris que l'oral, c'est comme l'écrit, il y a des techniques à apprendre et on peut progresser. Il est courant dans les écoles primaires américaines que chaque élève soit invité à raconter son week-end le lundi devant toute la classe. Ils sont très vite challengés et encouragés sur la prise de parole. Résultat, ils sont souvent plus à l'aise que les Français pour cet exercice, et cela se ressent au niveau professionnel. Trop de cadres français sont éclipsés lors de collaborations internationales par leurs homologues américains. Ne nous laissons pas disqualifier alors que la clé est là : la formation à la stratégie orale !