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Article / 6 min. de lecture - mise en ligne le 13/10/2021

La tendance dark kitchen : décryptage avec Clément Benoit de Not So Dark

Le delivery connait un grand succès, accentué par la crise covid. Selon Food Service Vision, en 2024, la livraison à domicile pourrait peser 10,3 milliards d’euros en France et représenter 19% du chiffre d’affaires de la restauration. Avec l’essor du delivery on voit émerger un nouveau phénomène, les « dark kitchen ».

Clément Benoit, CEO de Not So Dark (NSD), startup de la foodtech, nous aide à comprendre cette tendance et nous explique ce qui a poussé son entreprise à changer de modèle de développement. Fondée début 2020 par Clément Benoit et Alexandre Haggai, Not So Dark est le leader européen des dark kitchen. Le concept : des marques aux concepts différents dans un seul et même restaurant, disponibles uniquement en livraison

Qu'est-ce qu'une dark kitchen ?

Le concept de dark kitchen , désigne un restaurant qui n’a pas de salle et qui est conçu uniquement pour faire de la vente en delivery. Concrètement il s’agit de cuisines conçues uniquement pour la préparation de plats destinés à être livrés à domicile.

Quelle est la spécificité de votre nouveau modèle Not So Dark ?

Le nouveau concept de NSD consiste à proposer à des restaurateurs ou hôteliers traditionnels d'opérer notre portefeuille de marques dans leur établissement en mettant à profit l’espace inutilisé de leur cuisine. Avec cette nouvelle orientation, NSD ambitionne de devenir le plus grand restaurant virtuel au monde en accompagnant les restaurateurs traditionnels dans leur transition digitale, leur permettant ainsi de doubler leur chiffre d’affaires en quelques semaines dans un contexte qui reste difficile.

Concrètement comment cela se passe ?

Nous nous appuyons sur des providers industriels, à qui on demande d'exécuter nos recettes « à façon » et de les packager en poches unitaires pour que le restaurateur, qui est le relais de nos marques localement, ait le moins d'opérations possibles à faire et que la qualité soit la plus optimum possible. NSD met donc à disposition des partenaires restaurateurs ou hôteliers un concept clé en main en proposant des marques fortes faciles à opérer. Un concept basé sur la technologie, en proposant son expertise dans la restauration et tout son savoir-faire en matière de marketing, packaging et pricing.

Comment choisissez-vous les restaurateurs ?

On vient, on regarde l'espace de disponible dans le restaurant et on étudie le potentiel de la zone. Ensuite, on fait une étude assez rapide de faisabilité et on évalue les marques qui sont opérables dans l'espace qui est le leur. Puisque les places sont limitées, et qu’on a besoin d'un seul partenaire pour une zone de delivery, nous avons donc on a mis en place un comité de sélection.

Comment les marques de plats vendues sont-elles créées et développées ?

On crée des marques en pensant à ce qu’il y ait le moins de transformations possibles en bas de chaîne pour qu'il n'y ait pas de problème de qualité. Transformer au maximum en amont nous permet de limiter les risques d'erreurs et de qualité. Pour élaborer les recettes de nos marques on n’hésite pas à recruter des chefs aux quatre coins du monde. Marketing, packaging, pricing, rien n’est laissé au hasard ! Une fois la marque élaborée et prête à être lancée, on organise des focus groups afin de tester la validité de la marque sur le public cible.

Quel rôle joue la technologie dans votre modèle ?

On fournit 3 interfaces aux restaurateurs qui leur permettent de :

  1. Recevoir les commandes de l'ensemble des plateformes pour l'ensemble des marques.
  2. Répondre intelligemment et d'opérer mieux. C’est-à-dire qu'on est capable, en se basant sur les datas collectées auprès de nos clients historiques (météo, évènements…) de faire du prédictif et d’anticiper les commandes.. Cet outil permet aux restaurateurs d'avoir des meilleurs temps de préparation, des meilleures notations sur les plateformes et d'améliorer la qualité.
  3. Commander l'ensemble des ingrédients dont ils ont besoin pour opérer nos marques.

Comment expliquer le succès du concept ?

Nous ne sommes pas en concurrence avec la restauration traditionnelle où l’ambiance et l’expérience restent les valeurs de proposition. Avec notre modèle de « light franchising », nous soutenons la reprise économique du secteur en proposant aux restaurateurs de saisir l’opportunité de se placer sur un marché en pleine expansion. Le succès s’explique parce que notre modèle est scalable et extrêmement rentable pour le franchisé. C’est donc un concept win-win porteur. On aide les restaurateurs à transitionner sur le digital, on leur propose un concept clé en main pour lequel ils n’ont aucun investissement et on s’appuie systématiquement sur une structure existante ce qui permet aux restaurateurs de garder leur indépendance.

Clément Benoit et Alexandre Haggai, fondateurs de Not So Dark

La crise a-t-elle joué un rôle d'accélérateur pour votre concept ?

Bien sûr la crise et le confinement ont accéléré l’essor du marché des Dark Kitchen et ce mode de consommation va continuer à se développer. La fermeture des restaurants a permis d’ouvrir les yeux aux restaurateurs existants, concernant le marché sur le delivery. Mais le marché existait préalablement. Le delivrery augmente de 20 ou 30 % tous les ans.

Ce modèle est-il rentable pour les restaurateurs ?

La rentabilité sur le chiffre d'affaires, est assez importante pour le partenaire. Puisque notre modèle s'appuie sur un business existant, avec une structure de coûts fixes déjà établie, on vient juste plugger une activité supplémentaire. En moyenne nos partenaires arrivent à dégager entre 25 et 30 % de rentabilité sur le volume d'affaires qui est apporté.

L'un de nos derniers partenaires, un petit restaurant dans le 11ème qui doit avoir 80 places assises, a pris 7 m² pour opérer nos marques. En un mois il a généré, 160 000 euros de chiffre d'affaires. C’est-à-dire deux fois et demi, ce que son propre restaurant dégage habituellement.

Quel est votre modèle d’acquisition ?

On a aujourd'hui un pipeline d’environ 200 franchisés sans avoir réellement fait de communication sur le concept. Notre principal canal d’acquisition est le bouche-à-oreille entre restaurateurs. Les seules discussions commerciales que sont avec les grandes chaînes ou les groupes hôteliers. En effet, ils voient dans les Dark Kitchen l'opportunité d’optimiser leur modèle. Aujourd'hui, le CHR est en quête de trouver des solutions pour être plus rentable et surtout, épouser la tendance actuelle du delivery.

À ce jour, combien avez-vous de marques ?

Nous en avons trois qui fonctionnent et trois autres dans le pipe en phase de finalisation. L’objectif, est de donner plus d’une marque à un franchisé. Plus il opère de marques, plus il est rentable et plus le réseau est de meilleure qualité. Le but est d'optimiser nos marques pour qu'elles puissent s'assembler dans le même espace de manière à augmenter la rentabilité. La virtuosité du concept passe par la rentabilité de nos franchisés.

Qu'est-ce qui pousse une entreprise en croissance à changer de modèle de développement ?

Notre pivot, n'est pas du tout un aveu d'échec parce que notre cuisine fonctionnait très bien. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avons réussi à lever 20 millions d'euros, au bout de 12 mois, grâce à de bons métriques. Notre volonté de changer de modèle vient d’un double constat. D’une part nous estimons que notre croissance sera plus rapide en proposant à des restaurateurs d'opérer nos marques plutôt que d'ouvrir nous-même des Kitchen dans toutes les villes françaises. En effet, nous appuyer sur des établissements locaux, nous permet de rendre nos marques présentes dans une zone sans investissement. D’autre part, Uber Eat et Deliveroo ont une profondeur de marché importante et sont présents dans des villes de plus en plus petites. Dépenser 500 ou 1 million d'euros dans une ville de 50.000 habitants, sans être sûr que la demande puisse nous permettre de rentabiliser cette Kitchen, n’a donc pas de sens.

Après avoir levé des fonds sur un modèle différent, comment s'opère ce pivot stratégique vis-à-vis de vos partenaires et investisseurs ?

Nous avions sélectionné nos investisseurs sur leur ADN. Quant à eux ils pariaient sur notre concept bien sûr mais aussi sur l'équipe dirigeante. Ils étaient conscients qu'on rentrait dans un business nouveau, et que par conséquent il pouvait être amené à évoluer. Ils ont parié sur notre agilité et notre capacité à nous adapter aux marchés, ainsi qu’aux besoins des clients et aux opérations. Évidemment, quand on leur a annoncé évoluer vers un système 100 virtuel de franchise 2.0, il a fallu un temps d'adaptation et de compréhension. En quelques mois, on a dû adapter notre organisation et être assez agressif dans notre pivot pour aller vite. Parce qu'un pivot, ça coûte cher. Mais les résultats sont au rendez-vous et on est persuadé qu'on a pris la bonne décision. On a une croissance qui est fulgurante. On a pour prévision, de finir l'année avec un avec un chiffre d'affaires sur le mois de décembre 2021 entre 5 et 7 millions d'euros qu'on aura littéralement créé en moins de 6 mois.

Vous faites encore des levées de fonds. Avez-vous d'autres projets ?

Not So Dark continue son plan d’expansion rapide sur un marché en croissance, avec l’objectif de devenir une nouvelle licorne française. À l’heure de la réouverture des restaurants, on se donne les moyens de soutenir le secteur en assurant aux établissements un retour sur investissement rapide en complétant l’offre de restauration traditionnelle. D’ici la fin de l’année 2021, on compte recruter 150 nouveaux collaborateurs pour accompagner la transition digitale des restaurateurs, partout où sont présentes les plateformes de livraison. On souhaite aussi soutenir le développement de nos marques virtuelles en les associant aux plus grandes personnalités du cinéma et du sport. Pour 2021 on se concentre sur la France et en 2022, on attaque, l'international. Pour atteindre nos objectifs, une autre levée de fonds, très conséquente, est prévue au 1er trimestre 2022.

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