Concept de transformation numérique. Ingénierie système. Code binaire. programmation.
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Article / 4 min. de lecture - mise en ligne le 16/06/2022

« La data est un outil, ce n'est pas une vérité »

Les datas sont le moteur de l’économie numérique. Données stratégiques par excellence, elles sont indispensables à la prise de décision, on parle alors de gouvernance par la data. Mais quelles en sont les limites ? Décryptage.

Dans un contexte où la production de données est omniprésente, la gouvernance de la donnée devient primordiale. Pour les entreprises data-driven, les tentations de déléguer la prise de décision à la data sont grandes, mais est-ce bien raisonnable ? Explications avec Nathalie Schulz, Directrice Générale du Groupe IDAIA.

Nathalie Schulz, Directrice Générale du Groupe IDAIA.

Avec la digitalisation de la société et des entreprises, les moyens de collecter de la data explosent et sont de plus en plus précis. Concrètement, qu'est-ce que cela change ?

Tout le monde fait de la data. La data ne concerne pas uniquement des chiffres ou des données personnelles. Par principe, la réflexion humaine consiste à analyser de la data. Une odeur est une donnée, une sensation est une donnée. La data est donc essentielle à toute prise de décision.

D'un point de vue business, il est vrai qu’on parle de plus en plus de gouvernance par la data. Une notion qui revêt plusieurs aspects. Cela peut concerner l’industrie et notamment les chaînes de production, où la data permet d'optimiser les performances et la rentabilité. On parle alors de données d'exploitation, de temps de fabrication, d’assemblage... Ici la data permet de répondre à des questions du type : quelle chaîne de montage doit être optimisée ? Faut-il investir dans un robot ? 

Et puis il y a l’association entre data et marketing. Si cette terminologie est à la mode, il ne s’agit pourtant pas d’une nouveauté. Là où l’idée est en revanche plus actuelle c’est que désormais on s’éloigne de la donnée quantitative et de masse pour rechercher la qualité. On cherche à injecter de l’intelligence, par le biais de la data analyse ou de la data science notamment, pour mieux interpréter. Tout cela au service de la prise de décision, dans le but d'être plus efficace commercialement. C'est ce qu'on appelle la data marketing.

En quoi la data appliquée au marketing fait-elle évoluer les pratiques ?

C'est toujours le même adage : délivrer le bon message, à la bonne personne, au bon moment, sur le bon canal. Les adages restent donc les mêmes, les enjeux également. En revanche, les comportements évoluent avec parfois de gros coups d'accélérateur. Et le moins que l'on puisse dire c'est que ces deux dernières années ont été riches en mutations. La question se pose donc en termes de réactivité, d’équipements et d’outils afin de se distinguer dans une masse qui par définition n'est ni pertinente, ni efficace. La pertinence requiert donc une connaissance affûtée de son client, ce qu’on appelle communément la vision 360. Si cette notion n’est pas récente, en revanche la nouveauté se situe au niveau de l'adaptabilité et donc la nécessité de se remettre en cause régulièrement en étant à la pointe des mutations.

La data permet donc d'optimiser et personnaliser les stratégies marketing ?

Grâce à la data on est capable d'élaborer des scénarios beaucoup plus complexes. Si on continue à router autant de mails en revanche, on affine le discours au niveau de granularité qu'on cherche à mettre dans l'offre. On adapte le message en fonction d'un ensemble de critères comme le comportement avec la marque, le panier moyen, la tranche d’âge...

La granularité est un terme à la mode chez les marketeux. Est-ce réellement une nouveauté ?

Non, ce n’est pas une nouveauté. Il y a certes de nouveaux canaux digitaux qui facilitent la collecte de données, mais compte tenu de la RGPD, on doit limiter la collecte aux informations pertinentes et nécessaires pour délivrer le service. La différence réside dans le niveau de granularité. Plus de données permettent plus de finesse dans l’analyse. Aujourd'hui, on est donc beaucoup plus sensible à l'interprétation, à l'analyse, au profilage, au scoring nécessaire à la délivrance d’un message pertinent.

La data devient donc un levier de prise de décision pour les entreprises. Mais les entreprises ne courent-elles pas un risque à se laisser guider par la data ?

La data est un outil, ce n'est pas une vérité, c'est une aide. Il ne faut ni lui déléguer, ni se déresponsabiliser dans sa prise de décision. Un excès de confiance dans la donnée, qui écarte le jugement humain, conduit à des messages aseptisés. La difficulté réside dans le fait de trouver le juste équilibre. Il n'y a pas de vérité absolue, ni d'un côté ni de l'autre. La dimension humaine permet d’injecter des phénomènes exogènes nécessaires à l'affinage de la donnée. Elle accroît donc la performance de la prise de décision. Âge, CSP, comportement... Il faut donner le sentiment à la personne qu’on cherche à draguer qu’il n’y a qu’elle, qu’elle est unique pour réussir à la séduire.

Comment voyez-vous évoluer le data driven dans les années à venir ?

Je pense que l'on va tendre vers plus de granularité, afin de pallier à la sursollicitation qui engendre la saturation. C'est ce qu'on constate avec le mail. Aujourd’hui on observe une bascule vers d’autres canaux. On travaille un peu plus le SMS où les ROI (Retours Sur Investissements) sont meilleurs parce que le phénomène de nouveauté interpelle. Mais à terme on observera le même phénomène de saturation qu’avec l’e-mail. Le mot-clé est la réactivité : le premier qui investit un nouveau canal distance ses concurrents. Mais l’adage reste le même : le bon message, à la personne sur le bon canal. Et trouver le bon canal nécessite de bien connaître ses clients.

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