Mains d'un squelette sur un ordinateur
© Tara Winstead

Article / 4 min. de lecture - mise en ligne le 31/08/2023

Quelles sont les conséquences du désengagement salarial en entreprise ?

Comment engager et fidéliser ces nouvelles générations au travail ? Quelles solutions peuvent apporter dirigeants et managers pour redonner du sens à leurs collaborateurs ? Décryptage avec Justin Longuenesse, président fondateur d'Imagreen.

Quelles sont les conséquences du désengagement salarial en entreprise ?

Le désengagement est pluriel. Les trois principaux facteurs de désengagement sont le niveau de rémunération, l’équilibre vie privée et vie professionnelle et enfin le sens de la mission du salarié qui est un facteur de plus en plus prégnant. Aujourd’hui, avec la prise de conscience grandissante des enjeux sociaux et environnementaux, le sens de la mission du collaborateur se corrèle directement au sens de la mission de l’entreprise. Autrement dit, chaque salarié, qui demeure d’abord et avant tout un citoyen, se pose désormais la question de la contribution de son engagement professionnel en ce qui concerne la transition sociale et environnementale. « Mon secteur va-t-il globalement dans le bon sens ? Mon entreprise est-elle moteur sur ce sujet ? Et moi dans tout ça, suis-je contributeur de cette transition ? Ce questionnement personnel et cette prise de conscience alimentent une dissonance de plus en plus forte entre les convictions personnelles des salariés et leurs 8h par jour passées en entreprise.

Les conséquences sont délétères pour les entreprises qui restent sourdes et donc immobiles sur les sujets RSE : productivité en baisse, prises d’initiatives limitées des collaborateurs qui se cantonnent au strict minimum, augmentation des conflits relationnels entre les collaborateurs et la direction notamment pour des questions de désaccords sur les conduites stratégiques et opérationnelles, critique de l’entreprise dans la sphère privée qui passe d’objet de fierté à objet de bashing ce qui impacte durement l’image de marque et l’indice de confiance public, etc.

La fuite des talents, conséquence ultime que nous observons au quotidien chez Imagreen, vient donner le coup de grâce aux entreprises d’ores et déjà fragilisées. Imaginez : 60 % de salariés en dissonance et désengagés de leur projet envisagent de quitter leur entreprise ou ont déjà pris la décision de le faire. Au-delà des conséquences économiques, les risques psycho-sociaux sont également réels puisque près de 8 salariés sur 10 considèrent que le désengagement pèse sur leur moral et impacte leur vie privée. Pour les situations les plus extrêmes, cela peut amener à des arrêts de travail de longue durée.

En quoi les actions RSE impactent-elles l’engagement ?

Ce sont davantage la nature des actions RSE et la manière dont les collaborateurs sont impliqués qui vont jouer sur l’engagement. Ces actions doivent passer par différentes étapes. La première émane de la direction, de sa volonté d’agir pour, a minima, améliorer la conduite de ses activités ; mieux imaginer et développer des modèles d’affaires plus contributifs. Elle est le point de départ d’une transformation positive avec des objectifs à long terme et des changements de très court terme qui doivent être immédiatement visibles. La seconde est une phase de sensibilisation pour aligner l’ensemble des collaborateurs sur les enjeux sociaux, environnementaux et la responsabilité de l’entreprise sur son écosystème. Vient ensuite le temps de la co-construction des actions entre les actionnaires, la direction, les managers et les équipes opérationnelles. Une étape qui doit se corréler à un plan de formation pour accompagner les collaborateurs dans l’évolution de leurs pratiques métiers. Enfin, il nécessaire de créer un espace de partage transparent pour permettre à toute l’entreprise de suivre les actions, leurs résultats et de comprendre les décisions. Cela implique de faire preuve de sincérité sur l’ensemble des axes de progrès et de donner du sens lorsque l’entreprise rencontre des difficultés.

Les managers sont garants de l'engagement de leur équipe. Pourtant, beaucoup d’entre eux font partie des démissionnaires silencieux. Comment peuvent-ils alors être un soutien pour leurs équipes ?

Pour un manager, l’alignement entre sa vision et celle de l’entreprise est vital pour animer et piloter ses équipes au quotidien. En cas de démission silencieuse, la tâche devient tout simplement impossible.

Le manager a un rôle clé dans la transformation de son entreprise de par sa position entre la direction et le terrain. Il peut et il doit, à mon sens, influer sur le cap stratégique. En effet, il connaît, le plus souvent, son écosystème sectoriel ce qui lui permet d’être en mesure d’analyser une partie des décisions prises par sa direction en les comparant aux actions réalisées par d’autres acteurs de sa filière. Le manager, proche du terrain, est capable de discerner les contraintes et opportunités pour mettre en œuvre concrètement et efficacement la transition. Enfin, le manager, au contact de son équipe est capable de proposer les formations et actions de sensibilisation qui permettront de faire progresser le collectif.

Un manager investi dans son entreprise, intéressé et formé aux questions RSE, est en capacité de convaincre une direction de changer ses orientations. D’autant plus si une part importante des managers de l’entreprise s'inscrit collectivement dans cette démarche.

Burn out, stress, colère, désengagement… Les chiffres révèlent un monde de l’entreprise en grande souffrance, à l’image de la société. Le modèle organisationnel est-il à remettre en question ?

L’organisation est au service d’un projet. Les dirigeants et leurs équipes doivent, d’abord et avant tout, se poser la question de la mission de l’entreprise. Quelle est sa raison d’être ? Quels sont ses engagements en faveur du bien commun ? Seul un cap stratégique long terme permet de prendre toutes les décisions pour contribuer favorablement à la société et à l’environnement.

La RSE doit être au cœur du logiciel des entreprises pour en faire la nouvelle R&D et cela implique une transformation profonde des modes de gouvernance. Passer d’un dialogue social à l’instauration d’un dialogue sociétal. Casser les silos en interne pour plus de transversalités entre les expertises. Passer de la compétition stérile à la coopération fertile et définir un nouveau partage des richesses avec les partenaires. Enfin, il est nécessaire de conduire et valoriser son entreprise avec de nouveaux indicateurs de performance décorrélés de la simple lecture financière.

Le statu quo de la simple sensibilisation et des petits gestes a vécu. Il n’est plus admis par la société. Le changement de paradigme est la seule voie, raisonnable et désirable, capable de déclencher une nouvelle dynamique vertueuse profitable à tous.

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